ready to make sense of anything (flashback) Adhaël

Autre temps autres mœurs, d'une jeunesse éteinte, oubliée, consumée. Il ne sais plus il a oublié, tout ce qui pouvait encore le rattacher à ce lieu, à cette heure, à elle. Pourtant le regard noisette subsiste dans la mémoire, les lippes appellent et il se retient de sombrer dans la démence d'un passé évanoui. A peine soutiré aux basfonds corelliens, Kaël aime à revenir durant son lourd entrainement au Syndicat, respirer cette odeur safranée de cette jeunesse qui ne saurait encore lui échapper. Vingt-quatre étincelles qui crépitent dans le regard, l'espoir qui fait vibrer son derme juvénile, l'envie, la soif, la joie de se confondre en une quiétude si rare. Il sait ce qui l'attend quand la flotte aura quitté de nouveau sa base, mais il aime à pouvoir se relâcher le temps d'une soirée, d'une nuit pour tout foutre de coté et croire l'espace d'un instant qu'il n'est pas l'esclave d'un syndicat du crime.

L'air est doux, le soleil a réchauffé toute la journée les rues de Coronet. Les chantiers navals se vident et c'est leur de la détendre, celle bien méritée après des heures à travailler. Accompagné d'un de ses acolytes, Kaël a fuit pour une soirée la flotte du Syndicat, secrètement empruntant un vaisseau pour se rendre sur la planète. Nostalgique de leur passé de gamin des rues, les deux goutent à nouveau à cette liberté, à cette naïveté qui leurs a tant manqué. La ville se pare alors de ses couleurs, ses crépitements qui transpercent la nuit qui vient bercer la ville. L'acolyte est un peu foufou, il veut s'amuser, chaparder et courir, Kaël renonce d'un signe de têt,e il n'est pas là pour ça. Peu enclin à dépouiller les gens, il préfère s’étaler devant une bière et passer le temps.

Mais le gars a des ambitions autres pour la soirée, de l'argent facile à se faire quand il glisse doucement une main dans le vêtement d'un passant pour en ressortir un peu de monnaie. De quoi oui se rincer le gosier une ou deux fois, Kaël sourit. Il n'a pas envie de jouer le rabats joies, il n'a pas envie de jouer aux gamins, aux cons. « Aller c'est bon... t'as eu c'que tu voulais ? Viens on va boire un verre ! » Mais le gars en décide autrement, lorsqu'il pointe dans la foule une silhouette toute aussi gracile, tout aussi élancée, un peu trop bien habillée pour se confondre dans Coronet. La belle est fière, seule, elle ne semble pas se douter, se préparer à ce qui va arriver. Et Kaël répond toujours par la négative quand l'acolyte lorgne sur le sac de la demoiselle. « Je t'interdis de faire ça ! »

Mais le gars encore une fois n'en fait qu'à sa tête et se prépare à dépouiller la douce de son sac à main. Kaël pose la main sur sa bouche en observant ce spectacle navrant... Non seulement il n'a pas réussit à choper son sac mais en plus il semble se prendre la branlée du siècle. Honteux, presque, comme s'il se sentait fautif, le corellien ne bouge pas et observe ce piètre spectacle. La belle semble capable de se débarrasser elle-même des voleurs. Le pote finit par se soustraire à la prise de la jolie brune et il s'enfuit en courant. Kaël feignant de ne pas connaitre le renégat s'approche doucement d'elle : « Est-ce vous allez bien ? Il ne vous a rien pris j'espère ? » questionne t-il la douce alors que les passants observent encore l'autre détaler comme un lapin, s'étonnant au passage de la robustesse de la jeune femme.

« Corvée de poubelle. »

Le sac le plus important est bien léger, ne contenant que ses vêtements de soirée et de la mousse pour faire illusion. Adhara sait bien qu’un seul sac ne suffirait pas à lui ouvrir les grilles, c’est pourquoi elle a dissimulé le précieux parmi de vraies ordures, préférablement peu odorantes pour ne pas contaminer ses habits. Par chance, le soldat, à quelques secondes de sa fin de quart, n’a aucune envie de vérifier le contenu du bac roulant et il hoche la tête en ouvrant le portail. Elle arrive par miracle à retenir son sourire. Ce n’est que lorsqu’elle tourne en direction de la benne qu’elle se permet de montrer ses dents blanches. Elle récupère le faux sac et, après un bref coup d’œil aux alentours, se change. Adieu les fatigues de l’armée sans personnalité, bonjour petite robe noire aux détails dorés. Elle défait rapidement les tresses qui lui serrent le cuir chevelu pour faire tomber ses mèches libres sur ses épaules. Elle n’aurait jamais pensé que retrouver une apparence plus civile lui ferait autant de bien. Un trait de rouge pour finir le tout et la voilà partie vers le cœur de la ville.

Elle fait tourner quelques têtes. Pas toutes, mais suffisamment pour lui faire se demander si on ne l’a pas reconnue. Non… son père est connu, mais pas jusqu’à Corellia. Se persuadant de cela, elle lève le menton et déambule avec une certaine fierté. Elle a 20 ans, de la fougue et surtout cette adrénaline grisante qu’apporte la liberté volée. Elle se mord la lèvre pour s’empêcher de rire comme une échappée d’asile.

Lorsqu’elle sent la main qui se glisse dans son sac, ce n’est plus un rire qu’elle étouffe cependant. Elle agrippe instinctivement le poignet fautif et utilise le poids du voleur contre lui pour le faire tomber devant elle, le bras tendu dans un angle inconfortable, à la merci de la jeune soldate. Son pied trouve l’omoplate de l’inconnu et elle appuie juste assez pour faire mal.

« Ça ne va pas, de voler les demoiselles sans défense? » Oh, elle n’en est pas une, mais lui a dû y croire pour s’en prendre à elle. « T’y penseras à deux fois la prochaine fois. »

« J’le ferais plus, j’le ferais plus! »

Satisfaite de la réponse, la jeune femme relâche sa prise et le voleur en profite pour disparaître dans la foule. Les mains sur les hanches, elle le regarde avec un air sévère jusqu’à ce qu’il tourne à un coin de rue. La voix d’un autre homme l’interpelle et elle se tourne vers le nouveau venu. Elle fouille dans son sac pour s’assurer que toutes ses affaires sont bien là.

« Ce vaurien! Il m’a pris mon rouge à lèvres! »

La colère est de courte durée, cependant. Elle imagine déjà la réaction du voleur lorsqu’il réalisera la nature de son butin. Elle rit alors. La contrebande de la base ne vaut certainement pas un rond à l’extérieur et elle se sent presque mal pour le voleur.

« Bien, j’espère que ça lui servira de leçon, » conclut-elle comme s’il s’agit de la fin d’un conte.

Pour la première fois, elle détaille le passant qui s’est approché. Il est plutôt bel homme et son sourire s’élargit imperceptiblement tandis que son teint prend des couleurs rosées. Un tout autre style que l’homme qui la fait fantasmer en ce moment, mais Adhara a le cœur grand et les critères larges.

« Merci. Vous êtes le seul dans tous ceux qui ont regardé la scène à avoir voulu m’aider, » dit-elle assez fort pour incommoder les derniers voyeurs.

Elle lui prend alors le bras, peu désireuse de s’éterniser sous les regards curieux. La soirée est jeune et il lui reste encore plusieurs heures de liberté. La compagnie de l’homme lui semble être un très bon ajout à cette escapade. Elle l’entraîne dans une direction au hasard, le pas lent et l’œil malicieux.

« Vous êtes d’ici? Qu’est-ce qu’une touriste pourrait bien faire dans cette ville? »

Elle ne peut s’empêcher de faire couler son regard sur les traits de l’homme, bien qu’il soit sans cesse happé par le bleu de ses yeux. Un bel homme, oui. Un gentleman, aussi, si les récents événements sont une preuve. Ils arrivent à un croisement et elle s’arrête pour lui faire face.

« Si vous êtes libre, je ne dirais pas non à un partenaire d’aventures. Je n’ai que ce soir pour profiter des lieux. »

Le sourire invitant, elle n’a pas vraiment lâché le bras de l’homme, sa main sur son avant bras dans une pression légère. Loin d’elle l’idée de le forcer à venir, mais elle veut qu’il sache qu’il est plus que bienvenu s’il décide de la suivre.

Du rouge à lèvres ? Qu'est-ce que tu peux être con... pense-t-il alors que son pote s'enfuit avec un butin inutile. La belle a du répondant, elle a de la poigne et des bons arguments, ce qui ne déplait pas au corellien. Sourire en coin il la regarde, la dévisage presque et s'inquiète de savoir si elle va bien. Mais elle n'a pas l'air d'avoir besoin d'aide au contraire. Kaël ne semble pas résister cependant à son regard noisette, pommettes relevées d'un doux sourire finalement qui contrebalance la mésaventure. Elle le remercie faisant entendre à qui veut bien que son inquiétude n'est pas mal venu. Presque gêné l'homme se gratte l'arrière de la tête en souriant tout aussi bêtement. Il se contente alors d'un bref : « De rien... » sans plus de bavardage inutile comme à son habitude.

Le regarde de Kaël s'étend au-delà de la silhouette de la douce lorsque son ami lui fait signe au loin de le rejoindre. Ce à quoi il répond par un bref clin d'oeil préférant décliner son invitation alors qu'une toute autre aventure s'offre à lui pour la soirée. D'autant qu'il n'a pas envie que la brune le confonde avec ce voyou... Tu ne voudrais pas qu'elle sache, quelle se doute de qui se cache sous ce sourire enjôleur... Barbe de trois jours qui camoufle ta mauvaise fois. Après tout tu ne te considère pas comme un voleur et t'estime que la vie est bien trop courte pour ne pas en profiter... Tes iris s'animent, s'illuminent et t'entrevois cette lumière que t'as envie de suivre sans savoir pourquoi... Enfin si tu sais que les bonnes choses ont eu fin... Alors t'hésite pas, ton regard plonge dans le sien et tu te surprend à te faire embarquer vers l'inconnu... vers l'inconnue.

Son bras agrippé, le duo se noie dans la foule d'un pas lent mais décidé, promenade improvisée, Kaël se mord la lèvre nonchalamment. C'est alors qu'elle entame la conversation lui demandant s'il est d'ici. « Ouais... disons que j'connais bien l'coin. » Réponse offerte sans plus de détails. Elle n'a pas tord qu'est-ce qu'un touriste viendrai foutre ici ? Corellia n'est plus ce qu'elle était, mais elle est devenue surtout un bon moyen de faire la fête au vu et au su de La Fédération. Au bout de la rue à un croisement la belle s'arrête net et lui fait face. Sans détour elle lui offre sa soirée, en quête d'un partenaire "d'aventure", un soir où tout peut arriver.

Regard bercé, lippes qui esquissent un énième rictus il l'attire brutalement à lui. Placardé contre son torse, Kaël lui fait remarqué d'un coup d’œil qu'un type allait lui rentrer dedans. « Il faut toujours faire gaffe aux némoidiens, ils sont impolis... » la met-i en garde. « Si t'as qu'une soirée pour profiter du coin... qu'est-ce que tu penses d'aller boire une bière corellienne ? » lui demande-t-il. Mais sans vraiment attendre sa réponse, Kaël l'entraine avec lui vers la gauche, une ruelle un peu moins fréquentée.

Il n'a pas manqué de remarquer la présence d'un homme du Syndicat, qui doit probablement venir s'éclater, mais Kaël préfère éviter de se faire remarquer. « Le bar est par là... » l'endroit semble s'écarter de la zone bondée, mais la musique et l'ambiance semblent bien plus séduisants qu'une banale soirée à Coronet. « Si tu as peur je comprendrai... Mais on s'amuse bien plus là bas qu'ici, » regard perçant, l'homme ne se montre pas des plus rassurants, mais n'est-ce pas de l'aventure qu'elle cherche ?

La nuit est douce et le petit vent qui lui caresse la peau vient rapidement effacer l’échauffement dû à l’effort. Pourtant, lorsqu’il l’attire contre lui, c’est un frisson qui se dessine sur son échine. Son sourire disparaît tandis que sa bouche s’entrouvre, comme si elle avait besoin de retrouver son souffle. Elle lève les yeux vers lui, mordille sa lèvre avant de suivre son regard. L’excuse qu’il trouve est crédible, mais elle se surprend à espérer qu’il y a plus qu’une simple galanterie derrière le geste. L’idée qui lui taquine l’esprit est certes hâtive, mais à quoi sert-il d’être jeune, seule et libre si elle ne peut pas en profiter? Le sourire d’Adhara se fait espiègle alors qu’il accuse le pauvre neimoidien, déjà oublié par la demoiselle.

Ils en sont donc déjà au tutoiement… Peu habituée à la familiarité de celui qu’elle imagine corellien, elle se glisse pourtant avec aisance dans cette intimité. Elle le suit dans la ruelle, ses bottines crissant sur le sol bétonné. Son rythme cardiaque s’accélère sous l’excitation et l’adrénaline. Si elle a peur? Elle le tire pour l’arrêter dans la ruelle, à l’abri des regards, et le regarde de haut en bas sans cacher sa curiosité. Elle tente de se donner un air sérieux alors qu’elle l’examine, mais ses lèvres s’étirent en un fin sourire amusé. La brune croise cependant les bras, sa main se plaçant sous son menton pour compléter son regard inquisiteur. Il est bien plus imposant que le voleur et pendant un millième de seconde, elle se demande si elle fait bien de suivre l’inconnu vers l’inconnu. Ce n’est pourtant pas l’hésitation qui se dessine sur ses traits, tandis qu’elle accroche le regard bleu de l’homme.

« Je devrais avoir peur? » Un sourcil se lève alors qu’elle le toise insolemment, un sourire complice au coin des lèvres.

Elle a presque envie qu’il dise oui, le danger qu’il pourrait représenter la remplissant d’une certaine agitation qu’elle n’a pas ressenti depuis l’adolescence. Satisfaite de son partenaire de beuverie, elle lui prend la main et l’entraîne dans la direction qu’il avait prise.

« Par là? » demande-t-elle alors qu’ils arrivent au bout de la ruelle.

Adhara le laisse reprendre les devants, bien incapable de dire dans quel bar corellien il va l’entraîner. Étrangement, elle lui fait confiance pour qu’il l’amène dans un endroit au moins correct, au pire excitant. Par chance, le voleur ne lui a pas pris l’objet ayant le plus de valeur à ses yeux: la carte de la ville. Elle se laisse donc guider avec une appréhension grisante, qui lui fait oser entrelacer ses doigts avec ceux du corellien.

« Tu connais bien le coin, tu disais… tu viens d’ici? »

La question lui échappe, curieuse d’en apprendre plus sur son partenaire. S’il est d’accord, elle a bien des plans pour cette soirée, qu’elle avait somme toute imaginé un peu différemment.

« Je viens de Thelos Prime, mais je suis née ici, » ajoute-t-elle pour l’encourager à parler. « Je suis contente de t’avoir trouvé, je n’aurais eu aucune idée d’où aller. Et puis, avec un homme si imposant à mes côtés, je me sens en toute sécurité! »

Elle lui sourit, plissant les yeux et le nez, trop enjouée pour se soucier s’il prendra la phrase comme un compliment ou comme une pique.

Ils arrivent finalement devant le fameux bar. La musique, bien que loin d’être aussi assourdissante que dans un club de sa planète d’origine, se fait tout de même entendre jusqu’à l’extérieur. L’endroit lui plaît déjà, et elle n’attend pas d’invitation de son partenaire pour se glisser à l’intérieur, le regard émerveillé de toutes ces opportunités manquées ces deux dernières années, à ramper dans la boue. Ils auraient du mal à s’entendre sans se tenir proches l’un de l’autre. Elle l’attire vers lui avant même qu’il ne trouve une table et approche sa bouche de son oreille.

« Au fait, je suis Adhara. »

Jeu de regards et de jambes, les corps s'activent en quête d'une liberté nouvelle. Bras dessus bras dessous, tantôt les mains, les doigts se frôlent s'entrainent dans l'inconnu. Le gars tutoie, sans se poser de question dans sa bouche le vouvoiement n'a jamais vraiment existé. Même ses supérieurs il les tutoie car Kaël c'est la simplicité, le franc parler, pas de détour pour dire ce qu'il pense. Avant de s'élancer l'homme prévient, il met en garde, le regard perçant l'allure sournoise, presque. La brune demande confirmation, ce à quoi Kaël répond par un simple sourire. Mutin, l'économie dans les mots, il cache ses sournois desseins... Un oui qui se dessine sur les lippes, et la douce s'empare de son bras et l'entraine à sa suite alors qu'elle ignore où ils vont.

Kaël est amusé, dérouté, mais amusé. La belle est prévenue du danger mais fonce tête baissée. Et étrangement il aime ça. Le frisson qui te parcours l'échine quand elle s'empare de ton bras ça te grise. T'y crois pas, ça pourrait être un rêve, car ce genre de choses ça ne t'arrive jamais. Mais tu ne réfléchis pas, tu fonce. Alors vos doigts s'entremêlent et elle s'en remet à toi sans poser plus de question... Confiance aveugle, tu sais que tu pourrais la décevoir...

« Imposant... ? » Kaël ricane devant cet excès de compliment pour le flatter, sans relever plus longtemps cette douce flatterie il répond. « Thelos Prime intéressant... Corellia n'a rien à voir tu verras... » Un regard jeté à son intention alors qu'ils arrivent à leur destination. Sans se révéler, se dévoiler, Kaël l'amène jusqu'à un bar un peu bruyant.  Malgré ses secrets, ses sous-entendus, la douce ne semble pas renoncer à le suivre. Pénétrant dans l'antre, la foule est présente, la musique enveloppe leur âme, la chaleur les happe dans l'antre de la débauche. Contrairement aux apparences extérieures l'endroit est assez grand, Kaël les entraine au fond vers une table. Mais sans le laisser s'assoir la belle, lui glisse à l'oreille son prénom ce qui le fait immédiatement sourire.

« Moi c'est Kaël... qu'est-ce que je t'offre à boire ? » lui demande-t-il sans attendre. Un droide s'approche d'ailleurs pour prendre leurs commandes. « Mettez moi et une bière et ce qui plaira à la demoiselle... » Laissant Adhara demander ce qu'il lui fait envie, le corellien se met à l'aise et se débarrasse de sa veste. Chaleur engourdissant ses membres, la sueur perle quelque peut sur son front dégagé. « Si tu es corellienne, que fais-tu sur Thelos ? » curiosité engagé, l'homme a bien envie de faire connaissance avec la belle. Soudaine le droide revient avec leur commande. Kaël propose alors de trinquer : « A cette soirée... de tous les dangers. » Malice dans le regard, sourire en coin, l'homme ne fait que jouer, testant les limites de celle qui le suit un peu trop aveuglément depuis le début de la soirée...

Il ne répond pas, le cachotier. Elle aurait bien grappillé des indices ici et là mais il est aussi avare de paroles. Mais qu’importe, elle est patiente et, à dire vrai, bien moins intéressée par le passif de l’homme que par ce qu’il lui promet pour la soirée. Et puis, les chances qu’ils se revoient ailleurs sont faibles, l’univers est grand et ses habitants nombreux.

« Je compte sur toi pour me montrer à quel point. »

La porte du bar est poussée et elle se laisse guider une nouvelle fois par son partenaire. Le nom qu’il lui donne en réponse se perd dans les notes de musique, mais elle ne lui demande pas de répéter. Nul besoin de le connaître pour le genre de soirée qu’elle a en tête. Si elle regrettera cette décision plus tard, pour le moment, elle l’observe d’un œil presque félin.

« La même chose, » dit-elle à l’androïde en ne lui accordant qu’un bref regard.

Elle aime le danger, certes, mais elle n’est pas stupide. Une bière limite fortement le risque qu’une quelconque substance s’invite dans sa boisson. Quelque chose lui dit qu’elle n’a pas à s’inquiéter, mais il vaut mieux prévenir que guérir. Pour l’instant, le corellien prend ses aises et elle en fait de même, posant son sac près d’elle sur la banquette. Elle le regarde se départir de sa veste et ne peut s’empêcher de lorgner ses bras. Il est entraîné, c’est indéniable. Elle devrait peut-être reconsidérer sa situation, s’excuser, partir, voir rentrer à la base, mais elle n’en fait rien. Son esprit, déjà légèrement embrumé par la gnole faite en secret dans les douches, se perd plutôt dans l’admiration de ces membres forts.

Avant de se faire surprendre à baver sur lui, elle relève la tête et écoute sa question.

« C’était pour le travail de mon père, » dit-elle, évasive. « Tu as déjà visité l’endroit? »

Dans son empressement à masquer la vérité, la voilà qui cherche à faire connaissance alors qu’elle a déjà raisonné pour le contraire. Pourtant, mille questions lui brûlent les lèvres. Le mystère qu’il représente est un défi qu’elle aimerait bien éclaircir. Parce que si elle souhaite se protéger de la mélancolie, elle ne peut pas renier sa curiosité, ni l’intérêt qu’elle lui porte.

Lorsque le robot revient avec les bouteilles, il les décapsule et Adhara le remercie. Le corellien trinque et elle ne peut s’empêcher de rire.

« Aux dangers, donc, » dit-elle en faisant claquer sa bouteille contre la sienne. Elle boit une gorgée sans le quitter des yeux. « Par contre, prendre un verre avec toi me semble très peu dangereux… As-tu d’autres plans en tête? »

Se disant, elle glisse sur la banquette pour se rapprocher de lui jusqu’à ce que ses jambes se frottent aux siennes. Elle passe une main dans ses cheveux avant d’appuyer sa tête contre sa paume, ses yeux noisette plongés dans le bleu des siens.

« À moins que tu me considères comme le danger? »

Elle sourit, complice, et tente de se donner des airs de femme fatale. Il y a bien longtemps qu’elle n’a pas essayé de séduire. Ces deux dernières années, elle a surtout passé son temps à faire fuir d’éventuels intéressés. Elle se redresse et boit une nouvelle gorgée. Quelque chose l’attire pourtant à nouveau vers lui et elle se penche suffisamment proche pour sentir son odeur musquée.

« Je ne sais pas si je suis inconsciente ou si tu es plus sympathique que ce que tu penses, mais je n’ai pas peur du tout. »

Elle le titille, cherche à le provoquer pour qu’il agisse sur ses menaces silencieuses. Et puis, elle veut brûler les étapes. Ne pas se dévoiler, ne pas le faire se dévoiler pour ne pas souffrir de son absence plus tard. Une simple aventure qu’elle pourra garder sans attaches dans ses souvenirs.

« Que fais-tu dans la vie? » La question lui échappe avant qu’elle ne puisse la retenir, curiosité mal placée d’une Adhara subjuguée. « À part emmener des jeunes femmes dans des ruelles sombre, bien sûr. »

Joueur, menteur, mutin, arnaqueur peut-être un peu, beaucoup, trop... L'homme s'amuse et il ne sait pas de quoi... Peut-être d'elle ? Sûrement même. Elle a cet air enfantin qui ne lui déplait pas, elle a ce regard pénétrant celui qui intrigue, qui le déshabille impudiquement et qui pourrait le pousser à l'erreur. Minois emprunt de candeur mais qui cherche, qui toise, qui séduit. Elle appâte le loup avec des sous entendus, la belle est venue pour s'amuser. Adhara a plongé dans ses filets, sans sécurité, ce qu'elle veut c'est du danger...

Les verres arrivent et les gorgées s'enchainent chez l'homme à peine le verre levé à l'honneur de cette soirée imprévue. Sensation grisante de l'alcool qui inonde le gosier, l'estomac, endort les sens, réveille les pulsions.

« Un plan ? Non je n'ai pas de plan, jamais de plan... »

La tête vidée, fracassée, l'homme guidé par ses instincts n'a pas de schéma pré établi. Ils se trouvent dans un secteur peu fréquentable de Coronet, mais à part ce soupçon d'imprudence, Kaël ignore ce que la soirée leur réserve. Cette soirée s'annonce pour lui comme un véritable lâché prise. En bonne compagnie, l'homme ne veut pas pour autant lâcher sa prise... sur elle. Alors dangereusement, elle se rapproche, un sourire s'étirant sur les lippes de Kaël. La voyant venir, se glisser, créer le contact entre leur jambe, la belle adopte toujours cet air séducteur.

« Les personnes dont on ne se méfie pas sont les plus dangereuses, tu ne crois pas ? » une question pour répondre à une autre. Un coup de bluff peut-être pour contrer l'adversaire... A aucun moment il ne considère Adhara comme dangereuse, mais peut-être se trompe-t-il ? Après tout ils ne se connaissent pas, ils ne demandent qu'à en savoir plus, mais l'un comme l'autre reste sur la défensive. Les lèvres se font mutines, alors que les regards appellent à tant d'autres choses tandis que le distance se réduit entre eux.

Une nouvelle gorgée du liquide ambrée, et la douce se confie. Elle lui dit qu'elle se sentirait presque en sécurité, presque en confiance avec lui. Lippes étirées il s'approche alors encore un peu plus proche d'elle, les souffles s'entrechoquent impétueusement.

« Fais gaffe à ne pas trop baisser ta garde... » répond-il, préférant la mettre en garde, étrangement. Même s'il sait que ses défenses se baissent face à son charme ravageur...

« Vu comme ça on dirait que je suis un homme aux mœurs douteuses... » dit-il en étouffant presque un rire. Il se rince à nouveau la bouche tandis que son regard se perd sur un homme étrange qui entre dans le bar. Cette silhouette ne lui est pas inconnue et Kaël est sur ses gardes. Le Syndicat a toujours un œil sur ses assassins, et il ne semble pas apprécier que deux de ses hommes se soient soustraits à sa surveillance ce soir. Son ami ayant disparu, Kaël suppose que l'homme les suivait, et qu'il a du perdre la trace du second.

Mais lorsque l'homme comme a tourné le regard vers lui, le corellien ne réfléchit pas et fond sur les lèvres d'Adhara. Sans réfléchir, comme un impulsion soudaine, il échange un baiser langoureux avec la brune. Sans crier gare, guidé par un frisson soudain qui lui réveille l'échine, il glisse une main sur la nuque de la belle pour prolonger l'étreinte charnelle. Après de longues secondes, Kaël met fin à l'échange, s'apercevant au passage que l'homme a détourné le regard pour s'installer au bar. Se mordillant la lèvre, il croise le regard d'Adhara a qui il accorde un bref sourire avant de se lever en lui prenant la main.

« T'es déjà partie sans payer ? » lui demande-t-il sans attendre de réponse, préférant l'entrainer avec lui à l'extérieur du bar, alors qu'un droide semble s'apercevoir de la supercherie. Quelques pas à l'extérieur du bar, tandis que le robot pointe le bout de ses circuits. Dans un réflexe, Kaël entraine Adhara dans un taxi qui venait de s'arrêter devant eux. Coup de chance, le véhicule les embarque. Le myocarde pompe l'hémoglobine à toute allure dans le corps de Kaël, qui exulte de cette échappée totalement improvisée. Laissant en plan un droide vengeur et un homme du Syndicat, l'homme est grisé par ce semblant d'aventure. Ça pulse dans les tempes, le souffle s'égare, et l'attention doucement revient sur le visage d'Adhara. Canines qui agrippent à nouveau la lippe inférieure, les yeux qui brillent, la langue se délie : « Tu voulais du danger non ? » Se rapprochant un peu plus près d'elle, tandis que son bras s'aventure sur le siège derrière Adhara. « Pas de fausses promesses... mais je marque des points non ? »

Il l’amuse, le corellien, et elle ne peut s’empêcher de rire ou sourire, sans doute parce qu’il lui plaît bien plus qu’elle ne veut se l’avouer. Pas de plan, donc, et cela convient très bien à Adhara. Si elle imagine déjà la conclusion de cette rencontre éphémère, elle se garde de partager sa vision de peur de paraître vulgaire. Il ne lui rend pas la tâche aisée, cependant, répondant à ses avances avec un amusement qui n’est pas pour lui déplaire. Ainsi, il se méfie d’elle? Ou alors elle n’a pas bien compris. Il aurait peut-être de quoi s’en faire, s’il pouvait voir toutes les choses qu’elle lui fait dans sa tête. Mais le cœur lui bat dans les tempes alors qu’il se rapproche et qu’elle fait tomber son regard vers les lèvres qu’elle rêve de mordiller à sa place. Le rire de l’homme lui éclaire le visage et elle se penche un peu plus vers lui.

« Ce n’est pas le cas? » demande-t-elle au sujet de ses mœurs, mais elle perd déjà son attention.

Elle tente de suivre son regard mais la foule est trop dense pour deviner qui il regarde. Alors qu’elle plisse les yeux pour mieux distinguer les clients, il l’embrasse.

Si elle est d’abord surprise, elle se laisse rapidement prendre par la fougue de l’homme et répond à son baiser avec enthousiasme. Sa main trouve la joue de son partenaire et elle caresse la barbe, retint son visage vers le sien et s’abreuve de ses attentions. Lorsqu’il s’éloigne, Adhara espère que la séparation n’est que de courte durée, mais voilà qu’il regarde à nouveau ailleurs. Elle s’apprête à demander quelques explications, pour le baiser, pour son agitation. Avant qu’elle ne puisse ouvrir la bouche, il l’entraîne vers la sortie. Elle ne lui avouera pas que la grivèlerie n’est pas dans ses habitudes. De toute façon, le sourire qu’il lui offre est suffisant pour la faire acquiescer à presque tout ce qu’il pourrait proposer. Elle court donc avec lui, leurs mains liées, et s’engouffre dans le taxi le rire au bord des lèvres. Elle regarde une dernière fois le droïde dans le pare-brise arrière et mime un désolée avant de se tourner vers son démon d’un soir.

« Oh, quelques uns, » plaisante-t-elle lorsqu’il lui demande s’il gagne des points, sa réponse vague pour ne pas lui avouer qu’elle est tout à fait conquise. Elle se blottit dans les bras ouverts de l’homme et réfléchit quelques instants. Ses sourcils se froncent légèrement et elle regarde à nouveau vers l’arrière. « Ton ami-e va nous poser souci? »

Elle n’a pas vu la personne, mais elle a suffisamment dû échapper à la surveillance des hommes de son père pour comprendre les actions du jeune homme. Elle n’oublie pas non plus que le bougre évite religieusement de répondre à ses questions depuis leur rencontre. Elle lève alors la main pour exprimer son détachement.

« Pas besoin de justification, je veux juste savoir si je dois tordre le bras de quelqu’un d’autre, ce soir. » Sa main se pose sur son torse et elle susurre à son oreille. « Promis, ce soir, je te protégerai. »

Elle se rapproche, cherche un nouveau baiser maintenant qu’ils sont saufs et à l’abri des regards inquisiteurs, lorsqu’une foule attire son attention.

« Arrêtez-vous, » lance-t-elle au chauffeur. Elle paye le trajet et entraîne à son tour son protégé. « Si tu veux perdre quelqu’un, la foule est plus efficace qu’un véhicule enregistré. »

Son père l’avait retrouvé en traquant la plaque d’un speeder, une fois. Après ça, elle s’était toujours arrangée pour disparaître à pied.

Dans la rue plus large que celles qu’ils ont parcouru jusque-là, des centaines d’individus se bousculent pour aller elle ne sait où. En bordure, des marchands ambulants vendent de la nourriture et quelques babioles.

« Un festival? » demande-t-elle au corellien qui doit bien en savoir plus qu’elle.

Elle lui prend la main, presque par habitude plutôt que par inquiétude de le perdre. Noyée dans la foule, Adhara se fiche presque de savoir si son corellien est vraiment suivi ou non. Ce genre d’escapade la ramène en adolescence, mais elle est aujourd’hui plus libre qu’auparavant et elle frétille presque d’excitation alors qu’elle accélère le pas. Encore un peu et ils vont pouvoir s’éloigner de l’allée bondée et s’éclipser en solo dans l’une des sombres ruelles aux alentours. Ce n’est pas les coins sombres qui semblent manquer à Coronet.

« Avoir su, j’aurais choisi d’autres chaussures, » se plaint-elle en rigolant, alors que ses chevilles lui crient de trouver un hôtel. Ou bien il s’agit d’une autre partie de son corps qui cherche toutes sortes d'excuses...

« Si tu me protèges alors... » répond-il le sourie en coin, se gardant encore et toujours d'en dévoiler plus. Il ne la connait pas, et elle non plus, pour autant ce n'est pas la méfiance qui le guide, juste une prudence naturelle qui l'empêche de lever le masque. Une sale habitude qui l'empêche de se fourrer dans de sales situations. Une habitude qui ne l'empêche pas pourtant de se laisser séduire une soirée durant par une belle brune au regard pétillant de mystère. Il la dévisage sans aucune gêne, les iris qui se perdent sur ses pommettes, sur ses lèvres. Un intérêt qui se porte sur la chevelure, sur le regard, sur les courbes... Il se laisse attirer à son tour dans ses filets, un baiser à peine volé, tout juste accaparé lorsqu'elle ordonne au chauffeur de s'arrêter net surprenant le corellien qui en reste bouchée bée.

Entrainé à l'extérieur du véhicule, les deux jeunes se faufilent dans une rue très animée. Fanion, cuisine sauvage, locale et parfumée qui agrippe les narines, les guide vers ce qui semble être un rassemblement festif. Rien qui ne parle vraiment à Kaël. Peu coutumier finalement de ce qui se fait de festif à Coronet, lui qui n'a connu que les basfonds, la misère. « Aucune idée... » lui répond-il simplement, peut-être la seule réponse totalement sincère durant la soirée. Une réponse qui n'en dit pas plus, qui ne dit rien, qui le fait passer encore pour un voleur, un vaurien.

Mais la belle ne semble pas se préoccuper de ce qui se passe dans cette rue bondée, elle l'entraine plutôt dans une ruelle sombre éloignée des regards. La belle ralentit sa course se plaignant de ses douleurs aux pieds. Elle ne semble en effet pas très à l'aise à courir à gauche et à droite dans ses chaussures trop guindées. « J'ai oublié de préciser que ma compagnie n'est jamais d'tout repos... » dit-il aussi amusé, les lippes étirées, le regard mutin. Soudain, il lui tire sur la main et l'attrape par les hanches pour la soulever du sol et la porter sur son épaule comme un sac à patates. Le cri émit par la belle en dit long sur sa surprise ce qui arrache un rire à Kaël qui l'entraine vers une place tout aussi bondée baignée par la fête. D'une main il retire les chaussures de la belle sans lui demander la permission et se dirige vers une fontaine qui orne le centre de la place.

« Et voilà ma belle un bain de pieds offert par la maison ! » annonce-t-il en déposant la belle, les pieds nus, dans l'eau de la fontaine. Un simple filet d'eau vient alimenter le bassin, le niveau de l'eau léchant tout juste les fines chevilles d'Adhara. Sous les yeux inquisiteurs des passants, les deux semblent s'amuser en toute innocence, en toute décadence. Soudain, contre toute attente, les jets d'eau de la fontaine se déclenchent et arrosent allègrement la belle jeune femme médusée. Kaël explose de rire face à ce spectacle plus qu'hilarant portant aucunement la responsabilité d'avoir déposer la douce dans une fontaine qui entre brusquement dans un spectacle nocturne et lumineux.