Boucles d’Or et les Inaro (Kiden)

« How’s your Shyriiwook? »

Il avait posé la question sans introduction ou conclusion, envoyant le message vers Mouse avec un sourire au coin des lèvres. Il n’avait absolument pas besoin d’une traductrice, son Shyriiwook à lui était certes un peu rouillé mais parfaitement fonctionnel. Il avait cependant besoin d’une excuse pour l’attirer sur la planète des Wookies. Il avait presque enregistré le message l’invitant à le rejoindre avant d’avoir sa réponse.

Kit était une anomalie dans l’univers de Caden. Une hors-la-loi qu’il aurait dû détester, ou à tout le moins supporter, à peine. Pourtant, il se surprenait à glisser des regards, souvent indiscrets, dans sa direction à chacune de leurs missions ensemble. En plus de ses yeux, c’était ses mains qui semblaient attirées par elle, comme s’il avait besoin de la toucher pour s’assurer qu’elle était là, qu’elle allait bien. Un simple frôlement la plupart du temps, Caden n’osant qu’à peine faire plus, de peur de se prendre un coup s’il la prenait par surprise. Il attendait donc patiemment, ses yeux bleus presque suppliants, qu’elle veuille bien faire le premier pas, entrelacer leurs doigts, lui reprendre la joue comme lors de leur première rencontre. Le reste de ses espoirs vinrent lui colorer le visage et il se racla la gorge.

« Take us to Kashyyyk, R6, » dit-il à son droïde, avant de se retirer vers sa couchette.

Les rêves qu’il fit étaient emplis de boucles aux couleurs de blé, d’airs renfrognés et d’étreintes qui auraient fait rougir les danseuses de Canto Bight. Le réveil n’en fut que plus difficile, mais la perspective de la petite mission qu’il avait prévu lui redonna l’énergie qu’il n’avait pas reprise.

Il avait pris un temps fou à choisir la veste qu’il allait porter, étalant les trois à même le sol du Cornucopia pour choisir la moins abîmée, puisqu’elles étaient toutes pareilles. Il passa une main dans ses cheveux -il avait depuis longtemps renoncé à dompter ses boucles mi-brunes, mi-blondes- et accrocha son sabre à sa ceinture.

Caden plissa des yeux sous la force de l’astre solaire de la planète des Wookies. Il lui avait donné rendez-vous sur la plage, à quelques pas du village qui avait émis le signal des Inaros. Il avait confié à sa mère un droïde, il y avait de cela plusieurs années, amoché, mais pouvant apparemment ouvrir beaucoup plus de serrures qu’un droïde ordinaire. Si la capacité lui semblait dangereuse, à l’époque, il réalisait qu’avec leur grand plan actuel, ils allaient terriblement avoir besoin de ce genre de technologie. Et puis, Kit n’avait pas d’astromech, peut-être tomberait-elle sous le charme de celui-ci. Il était, après tout, aussi renfrogné qu’elle la dernière fois qu’il l’avait vu.

Il reconnut la silhouette de Mouse dans le ciel et un sourire vint se coller sur son visage. R6 siffla sur un ton moqueur.

« In the ship, you go, » dit Caden en poussant le droïde vers la rampe. « You’re in charge while I’m gone. Don’t let anyone take our home. »

La rampe du Mouse s’ouvre alors que celle du Cornucopia se ferme et le chevalier s’avance, se donnant difficilement un air sérieux.

« Any trouble? » demande-t-il, ne pouvant s’empêcher de vérifier qu’aucune blessure n’irait ajouter à ses cicatrices.

S’il avait pris le parti de ne pas les mentionner lorsqu’il les avait vues à la première rencontre, il n’avait cessé de s’interroger sur leur origine et voulait s’assurer qu’elles seraient ses dernières.

De toutes les langues que Kit connaît, il fallait que Caden demande à propos de celle dont l’usage est si rare qu’il en devient désuet, du moins pour quelqu’un qui œuvre dans l’illégalité et circule presque à tous les jours dans la galaxie. Elle n’a qu’effleuré une ou deux fois Kashyyk de sa vie, et elle en reste satisfaite ; toutes les histoires qu’on raconte à propos de la planète abritant ces yétis ne sont pas très rassurantes. Magnifique, certes, mais surtout dangereuse. Pour y circuler sans se faire dévorer par d’immenses araignées ou des plantes carnivores, il faut connaître les niveaux de la forêt qui s’étend au-delà de l’horizon, sur les vastes montagnes.

Honnêtement, l’expérience qu’elle a des wookies est… très limitée. Ils ne se retrouvent que rarement au centre des affaires criminelles. L’un des seuls contacts qu’elle a eus, c’est sans doute dans l’arène où ils étaient présentés comme des bêtes sauvages. L’un des nombreux adversaires auxquels avait dû faire face Kit était un membre de l’espèce peu coriace. Elle en garde une pâle cicatrice dans le bas du dos et surtout une image peu flatteuse de leur férocité.

"I sure hope he's kidding." Mais non, l’instant d’après, le tableau de bord clignote pour lui indiquer l’arrivée de coordonnées envoyées par le Jedi. Kit grommelle et lève les yeux au ciel avant de ramper hors de l’espace d’entretien du système des canons laser. Lorsqu’elle jette un coup d’œil à l’emplacement indiqué, elle frotte l’arête de son nez en marmonnant dans sa barbe. Il n’est pas sérieux ? Ne me dites pas qu’il a une famille de wookie à déménager… Elle n’est tout de même pas un taxi ou un service de livraison express ! Pense-t-il vraiment qu’il peut la traîner là où il veut ? Elle a horreur d’être pris comme un voorpak de compagnie.

Elle ne sait pas ce qu’il lui prend lorsqu’elle s’envole de l’astroport quelques minutes plus tard. Elle se déteste pour être aussi faible. Un jour il faudra qu’elle mette son pied à terre. Juste une fois… C’est plus fort qu’elle. Caden arrive toujours à piquer la curiosité qu’elle tente d’étouffer avec sa froideur.

Qu’est-ce qu’elle ne prétendrait pas pour conserver son image ! Et s’il se faisait attaquer sur Kashyyk ? Et s’il se mettait dans le pétrin ? Elle plonge son visage dans ses mains et tire la peau sous ses yeux en soupirant. Ce crétin arrive vraiment à soutirer le meilleur – ou le pire – d’elle.

Oh et puis ; pourquoi devrait-elle se justifier à qui que ce soit ? C’est sa vie, non ? Ni Ellie, ni Srodd, ni qui que ce soit d’autre n’ont leur mot à dire là-dessus.

Les pattes se déplient sous l’appareil et s’enfoncent dans le sable de la plage. Dès sa sortie, c’est un regard méfiant qu’elle pose sur les immenses arbres wroshyrs qui lui bloquent la vue. Les maisons qui y sont construites grouillent de formes poilues. "I know it's been awhile since we've seen each other alone, but this isn't exactly a good place for business." Elle demande sans salutations à Caden tandis qu’elle le rejoint et fait presque un tour autour de lui pour juger tous les dangers du paysage qui les entoure. Ses prunelles font un rapide diagnostic du Jedi. Rien de nouveau à signaler. Sinon qu’il semble presque… attendre quelque chose. "What are you doing in this forceforsaken place?" Ses prunelles rencontrent les siennes. "You didn't have to make me travel to the other side of the galaxy if you only wanted to eye me up."

Il semble l’inviter à progresser vers les habitations. Elle rechigne, exerce une légère résistance. Lorsque ses doigts effleurent son poignet, elle grommelle mais ne l’arrête pas. "What are you so excited about? It's just a bunch of tree houses and people ready to rip your arms off."

Si la blonde est aussi aimable que d’habitude, il remarque qu’elle est aussi bien en avance sur l’heure communiquée.

« You need to relax, » ose-t-il avancer tandis qu’elle regarde autour d’eux, son éternelle moue collée à la figure. « I guarantee you we’re safe. »

Bien sûr, ses regards insistants à lui -qui sont loins d'être inquiets de leur environnement- ne passent pas inaperçus et la remarque de Kit fait rougir les oreilles du chevalier.

« It’s not to eye you up! Well, » il se détourne d’elle, « not only. »

Il se racle la gorge, se perd dans la contemplation de la forêt. Quelque part, dans le village ou dans ses environs, son père est probablement aux fourneaux tandis que sa mère répare les boucliers de leur vaisseau. Il peut presque sentir l’odeur des nouilles au nuna. Sans qu’il y pense, sa main trouve le poignet de Kit et il l’attire légèrement à lui, avant de l’entraîner vers les constructions de bois. Lorsqu’elle résiste, il tire simplement un peu plus fort, trop pressé de retrouver ses proches pour la ménager. De toute façon, elle serait probablement aussi ouverte s’il passait une heure à la brosser dans le sens du poil. Ses pas ralentissent alors pour voler un regard sur la chevelure attachée de la contrebandière. Il lâche son poignet, se racle la gorge et avance vers le village.

« I need a translator and I figured you’d be perfect for the job. » Avant d’emprunter l’escalier de bois qui mène à l’ascenseur, il se tourne vers elle, se retient au dernier moment de lui prendre les mains. « Except that I’d like you to keep both arms so let me do the talking. »

Parce qu’en plus de bien connaître le langage de la planète, Caden sait que parler de gitans met n’importe quel peuple aux aguets. Il salue les Wookies à l’entrée et tient la porte à la demoiselle.

—

Il ne lui faut pas longtemps pour deviner où est placée sa flotte. S’il a passé la majorité de sa vie en tant que Jedi, il reste gitan et il voit les signes, des portes dessinées sur des pans de murs ou des poteaux, discrets pour un oeil averti, invisible pour un non-initié, qui mène au campement. S’il est allé plusieurs fois sur Kashyyyk, il n’a jamais visité ce village en particulier. Assez éloigné des spatioports habituels, il semble plus paisible que la plupart des villes dans lesquelles il a lui-même grandi. Si plus petit signifie moins de visiteurs dérangeants, cela signifie aussi moins de clients pour la flotte, et la soudaine réalisation qu’il y a peut-être anguille sous roche fait froncer les sourcils de Caden. Et s’il a emmené Kit dans un guet-apens?

Il lance un regard vers la blonde. Elle saurait très bien se défendre, serait probablement plus à même de se battre que lui, mais l’idée de la mettre en danger, surtout aussi inutilement, lui retourne l’estomac. Il se rapproche d’elle, bien qu’il soit déjà à la limite de sa bulle, jusqu’à ce que leurs mains se frôlent à chaque battements de bras. Il se retient de lancer des regards inquiets autour, pour ne pas lui faire plus peur que nécessaire, mais ouvre tout de même ses sens. Pour l’instant, tout semble paisible.

Finalement, ils s’éloignent du groupe d’habitations, sur des plateformes de plus en plus avalées par les vignes des arbres alentour. Il sent l’odeur du bouillon avant de voir le campement et il prend une longue inspiration. Il arrête Kit de tirant légèrement sur ses doigts.

« Before we continue, please, don’t believe everything they will tell you. » Il tente de se faire sérieux, mais l’excitation lui étire les lèvres et le fait presque sautiller sur place. Il lui prend la main et l’attire dans le virage qui dévoile le campement gitan.

Un « it’s Caden! » enfantin, venant d’un des arbres, retentit presque aussitôt qu’ils voient les tentes colorées. « He has a girl! »

Le Jedi relâche abruptement la main qu’il a prise, une pointe de rouge sur les oreilles. Une petite bande d’enfants se forment à l’entrée du cercle de tentes et quelques-uns courent dans leur direction. Une fillette blonde d’environ 10 ans prend la tête et saute dans les bras de Caden, qui la soulève pour l’enlacer.

« You’re getting too heavy for this now, » grommelle-t-il en la posant. La fillette le repousse du poing, mais elle garde un large sourire. Les autres enfants se pressent contre eux dans un capharnaüm de paroles incompréhensibles, les entraînant vers l’ouverture.

Une fois les couvertures bariolées passées, le camp est exactement comme dans ses souvenirs. Près du feu central, les hommes s’affairent à dépecer la viande, tandis que dans les vaisseaux posés en cercles, les femmes réparent les pièces nécessaires au bon voyage de la flotte. La seule chose manquante est la pancarte indiquant les prix pour les services mécaniques, habituellement accrochée à l’entrée. Les jeunes ont délaissé leurs travaux d’aiguilles ou de pâtisseries et regardent la contrebandière avec une curiosité presque déplacée.

« So, what’s your name? » demande finalement la blondinette. « And what do you want with my brother? »

Un raclement de gorge se fait entendre, mais Caden n’en est pas la cause. La fratrie se tourne alors, la cadette en grimaçant, l’aîné en souriant.

« You don’t go and talk to strangers this way, young lady! »

La femme, le visage sali d’huile à moteur, a les mains sur les hanches, mais son courroux ne dure que quelques secondes. Elle ouvre ses larges bras et Caden va s’y réfugier sans se poser de questions.

« I missed you, Ma, » murmure Caden, le visage collé contre son épaule.

« Don’t you 'Ma' me like that, you little thief! » Elle l’éloigne pour lui flatter les épaules et le regarder des pieds à la tête. « And so skinny! You better put some meat in ya if you don’t want to end up like Ol’ Jo! » Elle se tourne vers Kit et Caden suit son mouvement, curieux de voir la réaction de la jolie blonde.

« Look like you know how to fight, » conclut la matriarche après un examen succinct. « Good. If you do bad to my boy, you’ll wish you knew more. »

« Ma! »

"I’m sorry, what the f-" Elle n’a pas le temps de terminer sa phrase. Caden l’entraîne dans le labyrinthe montant des arbres immenses. Ses paroles ne font aucun sens et elle a l’impression que si elle pousse plus loin les explications, le Jedi restera énigmatique. Ça ne l’enchante guère. Elle n’a encore aucune idée d’où il l’emmène – et surtout pourquoi. Elle a d’autres loth-cat à fouetter dans la galaxie !

La tension du jeune homme ne lui échappe pas. Elle fronce les sourcils et bande ses muscles, attentive au moindre mouvement. Dans quoi les entraîne-t-ils, cette fois ? Elle savait bien que c’était une mauvaise idée de le suivre ! "What the fuck did you get yourself in? " Elle siffle entre ses dents lorsqu’il s’adresse à elle. Toute trace de l’inquiétude d’il y a quelques secondes à peine a disparu. Elle croirait même voir des étoiles dans ses yeux. C’est à rien n’y comprendre.

Elle les voit alors. Des installations presque précaires. Ça lui rappelle brièvement les quartiers les plus sombres de Nar Shaddaa et elle frissonne involontairement, chassant les souvenirs désagréables de son esprit. Elle n’a pas l’occasion d’essayer de lui poser une autre question : des voix aigües les interrompt et des silhouettes fondent à toute vitesse vers le duo. Une petite tête blonde l’affronte, les mains sur les hanches, avant qu’ils ne se fassent entraîner vers l’entrée des taudis. Un spasme secoue la main de Kit. Elle se retient de la glisser vers le couteau à sa ceinture. Elle sent les dizaines de paire d’yeux curieux qui se sont posés sur eux et fige.

Les petits monstres s’éloignent et c’est une silhouette droite et autoritaire qui se présente à eux. Sans aucune hésitation, Caden la serre dans ses bras et la mâchoire de la contrebandière se serre. Elle ne se sent pas à sa place. Elle a l’impression d’être un humain sur Csilla. Quel genre d’endroit est-ce ? Ma… Est-ce vraiment sa famille ? La confusion s’empare de la criminelle. Son système déclare l’alerte.

Le regard de la dame se pose sur elle et tout d’un coup elle se demande si les wookies sont réellement la menace la plus dangereuse de la planète.

"I’ll tell you what, you can take him. All he’s doing is putting me in trouble." Elle grogne. L'expression sur le visage du jeune homme s'accentue. Kit lui lance un regard méfiant. L'interrogation est silencieuse. Qui sont-ils ? Caden va-t-il enfin s'expliquer ? Don't tell me... Sont-ils d'autres réfugiés à transporter ? Il faut vraiment qu'elle lui fasse savoir qu'elle n'est pas un taxi ! "Are you... his family?" Le mot est bizarre sur sa langue. Il racle sa gorge, réveille son accent natal. Ça ne fait pas partie de son vocabulaire. En Hutt, famille désigne avant tout un gang. Ou bien un groupe influent et surtout dangereux comme les grosses limaces qui gèrent une bonne partie de Nar Shaddaa. "What do you want? I don't take people for free." Elle donne un coup de menton vers Caden. "He knows it very well." Elle se doute qu'ils aient les moyens de la payer. En même temps, ils ne semblent pas être prêts à partir de là...